Ce matin, je démarre vers 7h30. Juste le temps d’avaler un des petits pains au chocolat de la veille et de replier la tente imbibée d’eau. Je retrouve aussi le rituel du rangement du sac à dos dans un ordre convenu. La brume de la veille s’est épaissie recouvrant les paysages d’une épaisse purée de pois. Régulièrement, tout au long de la journée, elle se transformera en bruine. Par moment, je sens la présence du soleil là-haut, mais après deux minutes d’une timide apparition, il n’aura pas le dernier mot... Très rapidement, mes chaussures s’imbibent au passage répété de mes pas dans les herbes alourdies de milliers de petites gouttes d’eau... tandis que le bas de mon pantalon se couvre d’une épaisse carapace de boue.

Cabane et plateau d'Uls
Refuge de l'étang d'Araing
Deux heures plus tard, toujours dans le brouillard, je tombe nez à nez sur le refuge de létang  dAraing (1950 m) où je me prends un petit déjeuner (5 €) et un sandwiche pour la journée (5 €). Peu après, je croise un randonneur parti de Banyuls le 20 juillet qui, si je me fie à un calcul rapide, couvre l’équivalent de deux étapes en une, de sorte qu’il pourrait parcourir tout le GR10 en moins de 25 jours. Chapeau ! Chemin faisant, à hauteur de la mine de Bentaillou (1870 m) desquelles on extrayait jusqu’au siècle passé du plomb et du zinc sous forme de galène et de blende, un panneau renseigne un point d’eau. Je contourne un bâtiment et découvre devant un abreuvoir un curieux personnage recouvert d’une épaisse combinaison grise de coton en train de se débarbouiller. Le plus probable dans un tel lieu ce doit être le berger, me dis-je... Pas du tout, cet homme au pelage gris fait partie d’un groupe de spéléologues qui sondent les cavités karstiques au fond de la vallée. Et, dans la foulée, il m’offre une visite gratuite et commentée des installations en ruine...
Toute la journée se passera sous une alternance de brouillard et de brume.

Eylie-d'en-Haut
Seul moment de répit au hameau d’Eylie-d’en-Haut (990 m) où le soleil perce par moments la couverture de brume quand j’arrive. J’hésite à passer la nuit au gîte dEylie en compagnie de deux randonneurs espagnols et d’une famille de compatriotes belges de la région de Gent... Mais il n’est que 3 heures de l’après-midi. Je tente donc le coup de marcher encore 2 ou 3 heures aujourd’hui pour éviter de devoir me taper demain une grosse étape de plus de 9h20 pour atteindre le Gîte « Maison Valier » (ex refuge Pla de Lavau).

Les forêts, de vieilles hêtraies, affichent sous la brume un caractère mystérieux que je rencontrerai souvent le long des sentiers ariégeois. Dans l’imaginaire, les lutins et autres farfadets ne sont jamais très loin... Peu après Eylie, je croise une aire de bivouac idéale (voir « Bon à savoir »), mais je continue à grimper en direction du Col d’Arech que j'atteins trois heures plus tard sous la bruine, le vent et la purée de pois. La totale !

Je suis accueilli au col par un panneau indiquant que la cabane dArech où je comptais me rendre est occupée cette année par les bergers et que les randonneurs doivent se rabattre sur la cabane de Lasplane. Oui, mais dans cette purée de pois, où est-elle... ai-je envie d’écrire sur le panneau ? À droite ? À gauche ? Tout droit ? … Ce n’est quand même pas compliqué de mettre une petite flèche dans la bonne direction et d'indiquer le timing nécessaire pour l’atteindre... Trempé, je sors mon topoguide et ma boussole pour tenter de m’orienter au mieux... J’enrage, d’autant plus que les marques du GR sont déficientes et qu’une vieille marque sur un rocher au col indique tout droit alors que mon topoguide et ma boussole sont formels : c’est à l’Est, et donc à gauche, que le GR se poursuit...
Je ne le saurai que tardivement, mais le GR passe à hauteur de la fameuse cabane de Lasplane (cabane Lasplanous, sur les cartes et le topoguide) dont je ne discernerai pas la silhouette dans la brume épaisse. C’est ainsi que j’arrive finalement à la cabane de l’Arech. Elle est occupée par une bergère en pleine conversation téléphonique sur le pas de la porte. Elle parle de l’ours qui, me dira-t-elle ensuite, a déjà attaqué plusieurs brebis et même des chevaux cette année. Point de logement libre ici, elle me renseigne la cabane de Grauilles située à 1h15 de marche... Je prends mon courage à deux mains et entreprends d’y descendre quand, 100 mètres en contrebas de la cabane d’Arech, deux têtes curieuses sortent d’une tente plantée à côté de la fontaine. C’est Guy et Noëlle, un couple de randonneurs bordelais qui m’encourage à bivouaquer à cet endroit vu la météo.  Crevé, j’hésite à poursuivre sous la bruine qui ne cesse de m’imbiber... Il est 18h00... J’inspecte les lieux, pas de terrain vraiment plat et tout en montant la tente sous la pluie qui redouble de puissance je m’auto flagelle intérieurement en regrettant de ne pas avoir continué... Regrets vite oubliés une fois mon corps bien calfeutré dans mon sac de couchage et lorsque rétrospectivement, le lendemain, je constaterai que même sous le soleil je passerai à proximité de la cabane de Grauilles sans la voir. Alors, vous imaginez sous la bruine... 
Est-ce l’effet des endorphines sécrétées par trois jours de marche ou l’adrénaline de la journée, mais j’ai du mal à trouver le sommeil... Demain est un autre jour...

Bon à savoir
:
        Point d’eau attenant aux bâtiments de la mine de Bentaillou.
        Une demi-heure après Eylie-d’en-Haut, une source d’eau aménagée est recouverte d’une pierre en plein milieu du chemin. Deux mètres plus bas, un terrain plat peut accueillir 1 ou 2 petites tentes. Un bon endroit pour bivouaquer à proximité d’Eylie.
        L’eau à l’abreuvoir de la cabane d’Arech présente un léger goût désagréable de fer.

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