"Chose promise, chose due",
dit-on. L'adage a tenu
ses promesses : il pleut comme annoncé hier au petit écran du restaurant. 8h45, une accalmie, l'heure est au démarrage. Le village est désert, les magasins, les bars fermés. La chance
sourit aux
pèlerins marchant face au vent qui pousse les nuages sombres en arrière. A 6,5 km et 1h30 de
Fuente de
Cantos, en chemin je refais le plein de victuailles.
Le
Camino traverse à présent de vastes plaines agricoles. Les cochons
ne sont pas
loin. Si je ne les vois pas, je sens leur puanteur qui
filtre des porcheries industrielles perdues au milieu des campagnes et qui doivent mener un rude concurrence aux charcuteries traditionnelles de
Monesterio.
Je croise en chemin
Luc, un jeune français
originaire de Laval. Parti en février de chez lui, il a rejoint
Santiago par
El Camino Norte en prenant bien soin d'éviter l'autoroute des pèlerins du
Camino françès. Et après avoir travaillé quelques temps à
Santiago, pour ne pas faire comme les autres, il fait la
Via de la Plata dans le sens inverse de tous les pèlerins.
Buen Camino !
Le tonnerre gronde, le ciel plombé, gris ardoise... contraste avec le brun de la terre, le vert des oliviers... et le blanc des porcheries. Insuffisamment sur mes gardes face aux
éléments naturels, le ciel me tombe dessus avec une extrême violence, sans crier gare. Si ce ne sont pas des grêlons, pour mes jambes cela y ressemble... Je me bats avec mon poncho que j'essaie
vainement d'arrimer à mon sac à dos. Je continue à marcher à moité couvert en direction d'un arbre sous et derrière lequel je tente tant bien que mal de m'abriter des trombes d'eau qui continuent
à déferler.
Après 5 minutes, trempé pour trempé, je profite d'une légère accalmie pour redémarrer. Je rattrape
Hans qui se débat, lui aussi, avec sa cape de pluie... couleur citron. Nous cheminons un temps ensemble puis je le devance.
Mes pieds baignent dans mes chaussures imbibées d'eau... mais pour la première fois depuis plusieurs jours ils ne me font pas mal. Peut-être est-ce la solution à mes problèmes : prendre un bain,
bottines aux pieds, avant de démarrer la journée...
A
Puebla de Sancho Perez je trouve refuge dans un bar. Un
cafe con leche s'impose !
Courage, il me reste moins d'une heure à marcher. Trempé jusqu'aux os, je ne suis pas mécontent d'arriver à
Zafra.
Le gîte est de tout confort. Comme celui de la veille, il fait partie d'un réseau d'auberges privées pour l'accueil des pèlerins. Plus tard dans la soirée arriveront d'autres
pèlerins.
D'abord un allemand bedonnant à vélo, ne sachant parler aucune autre langue que la sienne. Il a "un petit air ridicule" dans son pyjama rayé bleu... et sa maman lui a probablement dit de ne pas
dormir dans d'autres draps que les siens car il retire sa couette et son oreiller qu'il rapporte à la réception, préférant dormir dans son sac de couchage certainement aseptisé, non sans avoir
noué une écharpe autour du cou avant de sombrer... ;-) Allez savoir pourquoi, mais j'étais sûr qu'il ronflerait ! A peine couché, on croirait entendre un porc sur sa litière criant de tout
son groin ! Mais les maudits ronfleurs ne m'auront pas à l'usure cette
fois-ci car j'ai dans mon sac une cargaison de boules
Quiez !
Ensuite, un espagnol tirant une tronche de polonais dont je n'aurai entendu que quelques borborygmes pour toute réponse à mes questions :
mhm... Il y a aussi un "indéterminé" dont je n'ai pu entendre le son de sa voix. Peut-être le sourd et
muet de la bande... Et enfin, un pèlerin espagnol, un vrai, avec sa coquille
Saint-Jacques accrochée à son sac et son sourire aussi généreux que son ventre.
Voilà la faune qui se partage pour un soir une chambre à l'auberge de
Zafra...
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