Ce matin, en me levant, si on m'avait dit que je marcherais près de 50 km, je ne l'aurais pas crû. D'autant plus que je me suis réveillé à l'heure où habituellement je me mettais en route...

Le problème de ce tronçon est le suivant : soit on fait une petite étape de 9,5 km jusqu'à Carcaboso puis, le jour suivant, une de 39,5 jusqu'à Aldenueva del Camino, soit on coupe l'étape en deux parties, d'une trentaine de km en faisant un détour par Oliva de Plasencia (12 km en plus A-R) ou en allant dormir à l'hôtel Asturias le long de la N630. Soit on fait les 50 km d'une traite... ce qui est normalement un peu "too much".

Je pars donc "tranquillo" ce matin, vers 9h00 avec l'idée de faire étape à Oliva de Plasencia avec Angel. 11h00, arrivée à Carcaboso, après 2 heures de marche dans des plaines agricoles, le long de routes heureusement peu fréquentées. J'ai le temps, je vais me prendre un café dans un bar le long de la route. Je dépose mon sac : un cafe con leche, por favor ! Ma présence ne passe pas inaperçue et j'entends que l'on parle de Camino, Santiago... Derrière le bar, un petit gros, la cinquantaine, visiblement le patron. A ses côtés, un jeune, la trentaine, svelte et souriant. Je deviens le centre des discussions du bar. J'entends le plus jeune dire qu'il a visité la Cathédrale de Santiago et qu'elle est "muy famoso", qu'il y a des pèlerins qui le font à pied.... Et l'enveloppé de répondre "No es possible, 10 km andando, no mas" (C'est pas possible, 10 km de marche, pas plus). Son acolyte lui demande d'où je viens et où je vais. Je lui réponds que je viens de Seville et qu'aujourd'hui je suis parti Galisteo et que je ferai étape à Oliva... Tu vois, dit-il au patron, il va à Oliva ! Et le patron de répondre "No es possible andando, tienne seguramente su coche..." (C'est pas possible, il a certainement sa voiture...). Je montre mon guide avec les étapes et le nombre de km que cela représente au plus jeune qui dit à son excité de patron "tu ves, hay etapas de 36 y 40 km" (tu vois, il y a des étapes de 36 et 40 km). Mais "monsieur qui sait tout mieux que les autres" doit avoir le dernier mot et n'en démord pas : no possible ! Si j'avais su ce matin que j'allais faire 50 km, je l'aurais fait mousser un peu plus !

Je redémarre d'un bon pas. Quelques kilomètres à la sortie du village, un oiseau granivore rouge avec des ailes sombres bigarrées se pose sur une clôture. Un inconnu pour moi. J'envoie un SMS à mon ami ornithologue JYP. La réponse arrivera en soirée "Si très petit, prob. Amandava amandava, un bengali d'Inde introduit là. Si gris avec bandeau rouge, un Astrild du Senegal". Vérification faite, il s'agit bien de Amandava amandava !

Pendant une dizaine de km, le chemin, bordé de murets de pierres, traversera à nouveau des chênaies très lâches pour arriver au carrefour "Venta Quemada". Ici, un choix s'impose à moi, partir à droite sur 6 km pour rejoindre Oliva, mon objectif de départ. Mais cette vision me déprime : une route, encore une, de bitume ! Je me décide à continuer avec l'objectif de bivouaquer s'il le faut autour des ruines de Capara situées à 7 km, pour autant que je trouve un coin à l'abri de la pluie (le ciel est menaçant) et un coin d'eau claire pour me laver. Sinon, je peux toujours rejoindre l'hôtel Asturias, à 2 km du chemin.

J'avance... Tout en marchant, je pense aux scolopendres et aux araignées que je pourrais rencontrer si je bivouaque. Et que vois-je traverser le chemin devant mes pieds, comme un signe pour me dire "attention", une araignée très particulière que je rêvais de voir depuis des années : Eresus niger de son nom latin. Elle est rigolote. On dirait un footballeur avec son t-shirt noir, son short rouge et ses chaussettes zébrées. Elle fait une pause et se laisse photographier, génial ! Peu après " Grou... Grou...", des grues cendrées, une vingtaine, tournoient dans le ciel. Je suis heureux d'avoir continué mon chemin et j'avance ragaillardi de ces observations.

A l'horizon, les ruines de Capara. Le Camino passe sous l'arche. Visite rapide des ruines. Des randonneurs se reposent, deux espagnols et un couple d'australiens - Frida et Carl - attendant la navette de 16h00 qui les conduira à l'hôtel Asturias et qui, demain matin, les déposera sur le chemin. Un moment l'idée de faire de même me séduit... et puis rapidement me révulse. Je n'ai pas envie de poser mes pieds dans une voiture ! Je redémarre, on verra bien où mes pas me mèneront...

Le ciel est en train de changer et mon intention à présent est de trouver un coin pour bivouaquer à l'abri de la pluie et si possible à proximité d'un point d'eau. C'est beaucoup demander pour l'Extremadure, je sais... Et c'est ainsi que finalement je me retrouve, en fin de journée, vers 20h00, aprés 11 heures et 50 km de marche à Aldeanueva del Camino. J'y retrouve Hans fatigué par ses deux dernières étapes de 40 km. Il y a aussi deux français, Jean et Jean-Claude, et Petra, une jeune allemande de Fribourg. J'ai faim, je les retrouve au bar Casa Sebas pour le meilleur Menu del Dia depuis Seville...

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